Covid 19, le retour ?

Certes on ne croyait pas en Islande plus qu’ailleurs en avoir fini avec Covid, mais les bons résultats obtenus au pic de la pandémie, l’absence d’infections depuis début juillet, permettaient d’espérer un retour progressif à une vie que l’on pourrait qualifier de « normale », même si les contraintes imposées sur l’île ont été plus légères qu’ailleurs. Las : voici que le 23 juillet Covid rappelle sa présence, et plus encore les jours suivants comme le montre le tableau suivant[1] :

NUHI = laboratoire de l’hôpital

Conséquence de l’arrivée de touristes ? Depuis mi-juin à ce jour (05/08) 70500 tests ont été effectués à Keflavík révélant 26 personnes infectées et 100 immunisées. Des passagers auraient ils enfreint leur engagement de se mettre en quarantaine, tels ces trois Roumains arrêtés quelques jours plus tard pour cambriolages ? D’autres auraient été testés négatifs à l’arrivée, puis positifs quelques jours plus tard.

téméraires ?

Mais les autorités semblent plus inquiètes de l’apparition d’infections « domestiques ». Il s’agit certes de valeurs encore faibles où personne n’est hospitalisé. Toutefois, le 4 août, 615 tests révèlent 9 infections, soit 1.5%, et 0.76% avec les 6 jours précédents, à comparer au taux de 0.25% constaté depuis le début de l’épidémie. L’inquiétude vient de ce qu’il semble impossible de retracer la source de ces infections, alors que les virus détectés sont de la même famille. L’Islande serait-elle en train de perdre le contrôle de l’épidémie ?  Suprême affront : constatant que son « taux d’incidence » (nombre d’infections au cours des 15 derniers jours pour 100000 habitants) est supérieur à 20, certains pays, dont la Norvège, veulent exiger la mise en quarantaine des voyageurs venus de l’île !

De fait, la question est d’actualité. Le mois d’août est plein de ces nombreuses rencontres festives qu’affectionnent les Islandais et qui sont très peu propices à la distanciation sociale,  par exemple : Verzlunarmannahelgi (weed-end des Commerçants), qui vient d’avoir lieu de manière beaucoup plus paisible que de coutume ou Menningarnótt (Nuit de la Culture), qui s’étendra cette année sur 10 nuits (13 au 23 août). Et surtout il y a le redémarrage de l’année scolaire dans la seconde quinzaine du mois. Faudra-t-il à nouveau prendre des mesures spéciales ?

30 juillet : Svandís (ministre de la Santé) et Katrín sous l’œil vigilant de Alma (directrice de la Santé)

Les autorités ne veulent pas être prises au dépourvu, avec peut-être un brin de dramatisation pour inviter la jeunesse notamment à plus de respect des précautions. Le 30 juillet le gouvernement annonce de nouvelle mesures, essentiellement : limitation des rencontres quelles qu’elles soient à 100 personnes (200 auparavant), et, grande nouveauté, port du masque lorsque la distance de 2 mètres n’est pas possible. De plus les personnes venues de pays « rouges », bien que testées négatives à leur arrivée, doivent se soumettre à un nouveau test si leur séjour est supérieur à 10 jours.

Car il y a évidemment le tourisme : ouvrir ou fermer plus ?  La question divise jusqu’au gouvernement. Faut-il croire certaines rumeurs selon lesquelles le Parti de l’Indépendance, qui détient les ministères-clés sur le sujet (Tourisme, Intérieur, Affaires Étrangères…) défendrait l’ouverture pour favoriser les activités de familles qui lui sont liées ?  Clochemerle n’est jamais loin en Islande, il serait dommage qu’il vienne infecter à son tour une situation déjà bien délicate !


[1] Comme toujours je reprends la version anglaise du site dédié à Covid. Il existe aussi une version en français mais il ne s’agit que d’un tableau dénué des graphiques et autres camemberts qui illustrent si bien la situation

Islande : les filles et le foot…

Tous les ans depuis 35 ans, Covid ou non, le Símamót (rencontres de Síminn, nom de l’opérateur historique de téléphonie aujourd’hui privé) rassemble pendant trois jours, cette année du 9 au 12 juillet, environ 2500 filles de 6 à 12 ans membres des divers clubs de football de Reykjavík et ses environs. Et parmi elles Melkorka Karímsdóttir Sallé !

Où rien ne manque : l’engagement, l’esprit de compétition, la solidarité, toutes ces valeurs sur lesquelles repose la communauté islandaise, et que les parents encouragent par leur présence tout au long du tournoi… Et 400 bénévoles pour que ça marche !

Il n’existe rien d’équivalent pour les garçons !!!

La présidence de la République d’Islande, entre représentation et politique

Bessastaðir, résidence des présidents islandais

Comme à chaque élection présidentielle islandaise, celle du 20 juin a remis au jour une ambiguïté fondamentale : s’agit-il d’une fonction de représentation d’une communauté inquiète d’être oubliée du monde ou d’une fonction politique ? En votant à 92% pour Guðni Jóhannesson, les Islandais ont opté sans ambiguïté pour la représentation, clairement assumée par l’intéressé dans l’exercice de son premier mandat. En face, la candidature de Guðmundur Franklín Jónsson était volontairement politique, de mouvance populiste : le président doit utiliser pleinement son pouvoir d’appel au peuple contre les élus/élites. Appel au peuple ?  Il s’agit, en refusant la promulgation d’une loi votée par l’Alþingi, de provoquer de manière totalement discrétionnaire un référendum. Ce n’est pas un succès pour Guðmundur Franklín et son option politique : seuls votent pour lui 7.8% des électeurs, en majorité sympathisants du Parti du Centre et du Parti du Peuple. Comme pour répondre à ce verdict, le gouvernement va proposer une réforme de la constitution précisant – peut-être ! – la fonction.

Dans les dispositions actuelles, le président est élu pour quatre ans au suffrage universel à un tour. Il n’y a aucune limite au nombre possible de mandats. Comme pour montrer l’ambiguïté de la fonction, il y a eu à chaque nouvelle élection des candidats « politiques » et des candidats reconnus du monde socio-culturel. Toujours ces derniers l’ont emporté. Or voici qu’en 1996, Vigdís Finnbógadóttir refusant de faire un cinquième mandat, se présente un homme dont les engagements politiques divers et la grande ambition sont connus de tous. Ólafur Ragnar Grímsson a été ministre, membre du Parti du Progrès, puis président de l’Alliance du Peuple. Sa candidature fait sourire, mais il est élu. On associe souvent son succès à la belle popularité de son épouse d’alors, Guðrún Katrín Þorbergsdóttir, décédée deux ans plus tard. Mais il faut aussi y voir une évolution de l’opinion : une majorité d’Islandais souhaitent alors comme président une personnalité capable de se situer au-dessus, et non à coté, d’une classe politique pour lesquels ils ont décidément peu d’estime.

qui a été élu(e) en 1996 ?

Dès le départ Ólafur Ragnar annonce qu’il ne se contentera pas d’un rôle de représentation et utilisera si nécessaire le droit de provoquer un référendum sur une loi qui lui déplairait ou semblerait déplaire à un nombre élevé de citoyens, par exemple à la suite d’une pétition. Ainsi, en 2004, il s’oppose à une loi sur la presse : cette loi est retirée. Puis vient son refus de promulguer la loi entérinant le premier accord sur l’indemnisation des clients britanniques et néerlandais de la banque Icesave. Pour s’en expliquer il s’appuie sur une pétition ayant recueilli plus de 60000 signatures. Et sa décision, dont il ne prend même pas la peine d’avertir le gouvernement au préalable, place celui-ci dans une situation très difficile. Un deuxième accord, pourtant sensiblement plus avantageux, connaît le même sort[1]. Retrouvant grâce ces deux référendums une popularité largement écornée par sa proximité passée avec les « business vikings », il peut assurer sa réélection pour un cinquième mandat (2012). Mais en refusant ultérieurement de provoquer de telles consultations alors qu’il est sollicité par des pétitions très largement signées, il reconnaît implicitement la difficulté d’utiliser dans un régime parlementaire un pouvoir discrétionnaire issu de la monarchie, sauf à l’encadrer. C’est ce que stipulait la Commission Constitutionnelle de 2010/2011. Elle touchait peu à la fonction présidentielle, mais en organisant le référendum d’initiative populaire, elle aurait ôté une large partie de son sens à ce pouvoir exorbitant du président.

Que propose aujourd’hui le gouvernement sur la base des travaux du groupe qu’il a créé pour reprendre entre autres les idées de la Commission Constitutionnelle ?   Le mandat présidentiel serait de six ans, renouvelable une fois. De plus l’Alþingi pourrait faire une nouvelle lecture d’une loi que le président refuserait de promulguer, ce qui reviendrait à provoquer un éventuel dialogue entre le gouvernement et lui. D’autres modifications de la Constitution doivent être proposées, notamment sur l’exercice de la responsabilité gouvernementale. C’est au vu de l’ensemble que l’on pourra mieux comprendre l’articulation du pouvoir exécutif.


[1] Pour connaitre, et peut-être comprendre, la très complexe affaire Icesave, je me permets de renvoyer à mon livre « l’Islande » paru chez  Karthala

Chronique islandaise juin 2020

Bonjour,

Covid est-il derrière ?  On essaie de le croire en Islande comme partout pour se consacrer à la remise en ordre de l’île et revenir à l’actualité courante, par exemple l’élection du Président de la République. La fonction se veut de représentation, mais suscite néanmoins d’intéressantes réflexions sur lesquelles je compte revenir dans mon blog.

Et je souhaite à tous d’excellentes vacances, évidemment bien méritées, en Islande ou ailleurs,

Cordialement,

Michel Sallé

L’ Église Nationale d’Islande (suite) – 2 : les autres

Dans un article du 11 mars d’avant Covid intitulé « l’Église Nationale d’Islande – 1 : un peu d’histoire » je tentais d’expliquer par l’histoire pourquoi aujourd’hui encore l’Église Nationale occupe une place importante dans la vie des habitants de l’île. Elle est « nationale » car, conformément à la Constitution, l’État doit la protéger et que 2/3 des contribuables acceptent de participer à son financement, alors que leur pratique religieuse est très faible .

Mais croyants ou pas, de nombreux Islandais estiment le moment venu de couper le cordon entre l’Église et l’État. C’est ainsi que peu de temps après sa prise de fonction comme Ministre de l’Intérieur (septembre 2019), Áslaug Árna Sigurbjörnsdóttir (Parti de l’Indépendance) a annoncé sa volonté d’aller jusqu’au bout de la séparation de l’Église Nationale et de l’État. Selon elle il y va de l’intérêt des deux parties, mais c’est surtout l’État qui gagnerait à se désolidariser d’une institution qui semble en perte de vitesse.

Comme pour toute désaffection, les causes sont de deux ordres : une institution qui ne répond plus à certaines attentes, d’une part, et d’autre part des propositions plus conformes aux aspirations du moment. Le tableau du nombre des inscrits[1] montre bien ce double mouvement :

 2010 2015 2020 
 Inscrits%Inscrits%Inscrits%
Église Nationale25148779.224274373.823111263.5
Église Catholique96723.0119113.6146324.0
Fríkirkjan (Rvik+Hafnarfj.)135914.3159724.8172194.8
Ásatrúarfélag14020.423750.847641.3
Siðmennt0010200.335071.0
Musulmans (3 assoc.)5910.28750.312810.4
Hors institutions103363.2184585.6261147.2

Les institutions (Siðmennt n’est pas une église) ainsi financées sont au nombre d’une trentaine. Je n’ai retenu ici que les principales. Les deux évolutions les plus significatives sont évidentes : l’Éࣽglise Nationale reste largement dominante, mais tombe en 10 ans de près de 80 à 63.5%. A l’inverse le nombre des « refus de choisir » fait plus que doubler, de 3.2 à 7.2 % ; et parmi ceux-ci beaucoup disent ne pas comprendre pourquoi ils doivent financer des organisations confessionnelles.

retour à Edda ?

Comme on sait, la progression de l’Église Catholique est due au nombre croissant d’immigrés polonais. L’évolution du nombre de Musulmans a une cause comparable. Par contre les autres lignes sont significatives en ce qu’elles témoignent comme les « hors institution » d’une opposition à l’Église Nationale. C’est le cas notamment des deux «  Fríkirkjan »  (Reykjavík et Hafnarfjörður), toutes deux anciennes et qui se réclament d’un luthéranisme indépendant de l’État, au point que l’opposition à l’Église Nationale, – jugée  « plus catholique que le Pape » ! – semble être leur propos principal. L’  « Ásatrúarfélag » associe ceux qui rêvent, avec plus ou moins de sérieux et de goût des libations, d’un retour au paganisme tel qu’il est décrit dans les Edda. Le mouvement a été créé en 1972, mais sa progression est nouvelle et pourrait se poursuivre : les Islandais ne sont ils pas tous peu ou prou païens ?

Siðmennt

L’association « Siðmennt[2] » est récente mais se développe très vite. Il s’agit d’un mouvement social et non religieux, qui se qualifie d’ « humaniste », se veut apolitique même s’il reconnaît reposer sur des valeurs d’égalité et de tolérance. Son propos est de préparer toutes personnes intéressées aux événements qui ponctuent la vie de la communauté islandaise : baptêmes, confirmations, mariages, obsèques, en insistant sur leur valeur sociétale et non religieuse. Par exemple la préparation à la confirmation dure 11 semaines à raison de sessions hebdomadaires de 80 minutes.

Et que se passe-t-il du coté de l’Église Nationale ?  Ce sera pour un prochain article !


[1] je rappelle que chaque contribuable paie un impôt destiné à financer l’institution de son choix, ou aucune, auquel cas sa contribution va à des actions caritatives

[2] Voir leur site en anglais