Le 14 janvier dans les fjords de l’Ouest, à quelques kilomètres de distance, trois avalanches se déclenchent presque simultanément, deux à Flateyri, l’autre à Súgandafjörður, en face de Súðureyri.
où il est rappelé que la coulée de droite est la même que celle de 1995
A Flateyri, le dispositif anti-avalanche construit en 1998 n’empêche pas qu’une maison (Ólafstún 14) soit submergée, où vivent Anna Sigríður et ses trois enfants. Celle-ci s’échappe à temps avec les deux plus jeunes, mais Alma Sóley, 14 ans, est bloquée dans sa chambre, étouffée sous la neige. Il faudra 40 minutes pour l’en sortir ! La deuxième coulée atteint le port et endommage de nombreux bateaux. C’est aussi le cas à Súgandafjörður, où la coulée provoque un véritable raz de marée.
Morgunblaðið le 18 janvier 1995
L’émotion est d’autant plus grande que ces avalanches interviennent 25 ans, presque jour pour jour pour l’une d’elles, après les deux plus grandes catastrophes connues en Islande au XXème siècle, évidemment très présentes dans la mémoire des survivants :
Le 16 janvier à Súðavík où il y a 14 morts parmi 190 habitants,
Le 25 octobre à Flateyri : 20 morts pour 300 habitants !
Katrín Jakobsdóttir se rend sur place avec l’hélicoptère des secours, évidemment escortée des ministres Bjarni Benediktsson (Parti de l’Indépendance) et Sigurður Ingi Jóhannsson (Parti du Progrès).
Les quotas de pêche existent en Islande depuis plusieurs décennies et ont permis de préserver une ressource essentielle pour le commerce extérieur de l’île : à partir des études d’un organisme de recherche indépendant le ministère de la pêche fixe chaque année en août pour la campagne à venir (du 1er septembre au 31 aout le plus souvent) le TAC (Total Admissible de Capture) pour chaque espèce. Et les TAC sont eux-mêmes répartis entre les bateaux selon une clé intégrant divers paramètres dont les prises réalisées par eux dans le passé. Les quotas ainsi obtenus peuvent être partiellement reportés d’une année à l’autre et transférés d’un bateau à l’autre.
La grande révolution est d’avoir rendu en 1990 ces quotas
aliénables. Dès lors ils se sont progressivement concentrés dans les mains de
quelques armateurs. À la suite de cette concentration, la flotte de pêche est
très moderne et performante, et les prises sont vendues aux meilleurs cours. De
plus les détenteurs de quotas, pour en maintenir la valeur, ont intérêt à
préserver une exploitation biologiquement viable de la ressource halieutique.
Mais ceci a eu pour effet d’éliminer progressivement les bateaux moins
performants ou artisanaux armés dans des villages côtiers dont la pêche et la
transformation du poisson sont les seules activités. En compensation, les
armateurs versent une taxe assise sur leur pêche.
C’est ainsi que ces quotas ont pu s’analyser comme un
véritable droit de propriété, une « privatisation de la mer », selon
les détracteurs du système, alors qu’ils ne sont qu’un droit d’exploitation
d’une ressource commune à tous les Islandais. D’où une spéculation effrénée,
dont un article paru le 10 janvier dans le journal en ligne Kjarninn donne une
illustration vertigineuse. En voici quelques extraits :
Kristján Þór Júlíusson , ministre de la pêche
En septembre 2019, Samherji, le plus important
armateur islandais (que nous connaissons bien pour ses quotas namibiens),
détenait 7.1% des quotas islandais. Útgerðarfélag Akureyrar, qui appartient
à 100% à Samherji, en détient 1.3% et Sæból,
sa holding, 0.64%. Síldarvinnslan détient 5.3% de tous les quotas et sa
filiale, Bergur-Huginn, 2.3% ; soit pour cet ensemble 16.6%. (…)
Brim est le plus gros détenteur de quotas, au point d’avoir dépassé en novembre la limite autorisée pour ce qui concerne le cabillaud lorsque l’entreprise a racheté deux armements de Hafnarfjörður : Kambi et Grábrók. Hjálmar Kristjánsson possédait 39% de Kambi et 100% de Grábrók. Brim a donc racheté les avoirs du frère de Guðmundur Kristjánsson, son président, pour un montant total de 3 milliards d’Ikr (24 millions €).
L’actionnaire principal de Brim est Útgerðarfélag Reykjavíkur, qui
détient 46.26% de son capital après en avoir vendu récemment une part importante
à KG Fiskverkun. Ce dernier possède maintenant 3.9% de l’ensemble des quotas
attribués. De plus la compagnie Ögurvík (filiale de Brim) en a 1.3%. (…)
La coopérative de Skagafjörður possède FISK Seafood, qui détient 5.3% des quotas. FISK possède 32.9% de Vinnslustöðin (Vestmannaeyjar) qui a 5% des quotas (…) En septembre, Útgerðarfélag Reykjavíkur a acheté 10.18% des parts de FISK Seafood dans BRIM, que FISK avait acheté en août à la caisse de retraite Gildi, ce qui a permis à FISK Seafood de réaliser une plus-value de 11.4 milliards d’Ikr en quelques jours (…).
Au
total Samherji, Útgerðarfélag Reykjavíkur et la Coopérative du Skagafjörður détiennent
42.2% des quotas…
Chaque gouvernement promet de s’attaquer à un système devenu fou et pervers mais le Parti de l’Indépendance veille…
Il n’y aura eu qu’un article dans « l’lslande aujourd’hui » pour décembre, mais il a fait recette ! La présentation du système islandais de retraite, très différent du système français ancien et apparemment à venir, a été vue, et peut-être lue, 537 fois. Voici qui méritait quelque repos !
Si j’en juge par les autres statistiques, les inscriptions et les réactions, je comprends que ce blog intéresse surtout des personnes connaissant déjà les « îliens » (je n’ose plus dire Islandais puisque 54000 vivent hors de l’île, « remplacés » par un nombre équivalent d’étrangers !), pour qui je me fais le plaisir d’approfondir tel sujet que j’aborderais plus rapidement dans ma chronique mensuelle. N’hésitez donc pas à formuler des demandes, auxquelles je m’efforcerai de répondre dans la mesure des informations que je puis rassembler, avec, j’espère, le concours de telle ou tel d‘entre vous.
Actuellement je réfléchis à un article sur l’Église Nationale. C’est un sujet passionnant tant il plonge dans l’histoire de l’île et est aujourd’hui révélateur des évolutions rapides que connaît sa population. J’attends pour le rédiger de voir si Áslaug Anna Sigurbjörnsdóttir, dirigeante d’un parti très conservateur sur le sujet, ira jusqu’au bout du projet de séparation annoncé dès sa prise de fonction comme Ministre de l’Intérieur, et quelles seront les réactions…
A tous je souhaite de joyeuses fêtes de fin d’année et une
excellente année 2020.
En ces temps où le mot « retraite » est sur
toutes les bouches françaises j’ai cru intéressant de donner quelques
informations sur le système islandais. Toutefois, je plaide l’indulgence :
les systèmes de retraite, quels qu’ils soient, ne se comprennent bien( ?)
que de l’intérieur. C’est pourquoi des erreurs sont possibles, et je recevrai
volontiers toutes remarques.
Même s’il a fait l’objet d’amendements en cours
d’application dans le vaste accord social signé en début d’année 2019, l’architecture
du système islandais reste inchangée et c’est celle-ci qui nous intéresse.
J’ajoute qu’elle est aux antipodes du système français, et plus encore de celui
qui se dessine, notamment parce qu’il y a en Islande 21 caisses et que personne
ne s’en émeut.
Autre antipode : il n’est pas concevable en Islande qu’un
système de retraite et ses amendements ne soient pas le résultat d’accords
collectifs entre employeurs et employés, et éventuellement l’État s’il doit y
contribuer, ce qui est le cas pour le « pilier I » et les
exonérations fiscales sur les cotisations.
Le système islandais repose en effet sur trois
« piliers » (stoð)[1].
Le principal est le pilier 2 (lífeyrissjóðir – 67% des sommes
distribuées), obligatoire, et géré par les 21 caisses mentionnées plus haut. Il
est privé, comme l’est le pilier 3 (viðbótarlifeyríssparnaður – 10% des
sommes distribuées), qui, lui, est optionnel. Le pilier I (Almannatryggingar
– 23% des sommes distribuées) est public et conçu pour compléter les deux
précédents et assurer à toutes les personnes résidant en Islande un revenu
minimal supérieur au « seuil de pauvreté » (60% du revenu médian
disponible). Le taux plein est atteint avec une résidence de 40 ans entre 16 et
67 ans[2],
et proraté pour les durées inférieures.
Le pilier I est financé par l’impôt sur le revenu. Le pilier
II est financé par une cotisation de 4 % sur les revenus des actifs, salariés
et indépendants, et 8% progressivement portés à 11.5% pour les employeurs. La
cotisation pour le pilier III est de 2 ou 4% pour les actifs, et 2% pour les
employeurs. L’adhésion à ce pilier est encouragée par des exonérations fiscales
sur les cotisations.
Le choix de la caisse du pilier 2 dépend de la convention
collective applicable au salarié. Certaines en imposent une, d’autres non. En
conséquence quelques caisses sont ouvertes à tous, y compris les travailleurs
indépendants, et donc en concurrence, alors que les autres n’accueillent que
certaines professions. C’est vrai en particulier du secteur public.
Ces caisses sont toutes gérées paritairement. La loi leur
impose de prévoir, outre une pension de retraite, une rente au conjoint
survivant et aux personnes handicapées. À cela s’ajoutent des services, qui vont
les rendre plus ou moins attractives. Pour ce qui concerne la pension de retraite,
la loi fixe un objectif, pas toujours atteint, de 56% du revenu moyen perçu tout
au long de la vie active, corrigé de l’inflation. Le taux plein est en principe
obtenu pour 42 ans d’activité et un âge de 67 ans. L’ensemble est coordonné par
une instance nationale (Landsamtök lífeyrisjóða).
Les 21 caisses représentent une capitalisation totale de
1.5 fois le PNB islandais, avec de grandes disparités entre elles puisque les
trois plus grosses gèrent la moitié de cette capitalisation. Elles sont donc pour
l’économie islandaise un poumon important auquel il peut être fait appel comme
à des banques, au point que des investissements parfois hasardeux, notamment en
devises étrangères, ont conduit quelques-unes d’entre elles au bord de la
faillite lors de la crise de 2008, ce qui explique un certain nombre de fusions,
et aussi un renforcement des règles de gestion qui leur sont imposées.
La question légitime est : combien reçoivent-ils ? La réponse est malaisée tant sont différentes
les situations. Mais on peut considérer qu’une personne ayant cotisé 42 ans et
prenant sa retraite à 67 ans recevra environ 100% de son revenu moyen
d’activité, sensiblement plus si ce revenu est inférieur à la moyenne et moins
s’il lui est supérieur, ce qui s’explique par la compensation qu’apporte le
pilier I.
Il est vrai que la situation démographique actuelle est très
positive : 5 personnes entre 15 et 66 ans pour 1 personne de 67 ans ou
plus. Ce taux devrait tomber à 4 en 2030 et à 3 en 2050. ! Mais on voit que le système est suffisamment
souple, et suffisamment forte (aujourd’hui !!!) la volonté des partenaires
sociaux de s’accorder, pour croire que des solutions seront trouvées…