Pour ou contre le Parc des Hautes Terres d’Islande ?

Voici un intéressant paradoxe de la vie socio-politique islandaise : alors qu’à l’Alþingi le débat sur une loi autorisant la création d’un Parc national couvrant tout le centre de l‘île bat son plein, un très récent sondage de l’institut Gallup nous plonge dans la perplexité :

  • 45% des personnes ayant répondu (soit 51.4 % des sondés) sont favorables à la création de ce parc, 34% sont contre et 20% ne se prononcent pas,
  • mais : 31% seulement approuvent le projet de loi déposé par le Ministre de l’Environnement, 43% sont contre, et 26% ne se prononcent pas !

De quoi s’agit-il ?  Le Parc National des Hautes Terres est un projet né en 2015, avec d’abord l’ambition de couvrir 40% de l’île, ensuite ramenée à environ 30% (30000km²) ce qui en ferait néanmoins le plus grand d’Europe. Au-delà de ses objectifs de protection, le projet vise à donner au public l’occasion de connaître et d’apprécier sa nature, sa culture et son histoire, en favorisant le développement local, la recherche, l’éducation, la restauration des écosystèmes dégradés, et les activités de pleine nature.

Inscrit dans l’Accord de gouvernement signé par les trois partis de la majorité, le projet s’est peu à peu concrétisé, d’abord sous forme d’un rapport rédigé par une commission parlementaire (signé par les représentants de tous partis politiques, à l’exception du parti du Centre), puis sous la forme d’un projet de loi introduit début décembre 2020. Toutefois, au pied du mur, les critiques fusent en trois directions : trop de règles, gestion trop centralisée (ou trop décentralisée…), financements peu clairs, auxquelles vient s’ajouter une expérience jugée décevante des autres parcs nationaux, notamment celui du Vatnajökull. Sur les réseaux sociaux, les amateurs de pratiques motorisées se positionnent volontiers en berceau de l’opposition et font circuler une pétition atteignant 15000 signatures. Comme souvent en Islande le débat fait aussi rage dans les médias par échanges de tribunes et contre-attaques.

Alors ?  Inconséquence des électeurs – 43% des sondés reconnaissent une faible connaissance du texte en débat -, erreurs de communication et/ou manque d’autorité du Ministre Guðmundur Ingi Guðbrandsson ?  Peut-être…

Pour Michaël Bishop, guide franco-américain qui s’est passionné pour le sujet au point d’y avoir consacré son mémoire de master (Université d’Islande), le débat actuel témoigne de l’intérêt porté par les Islandais aux haut plateaux du centre. En dépit des désaccords manifestés dans l’arène politique, il ne faut pas perdre de vue que l’idée d’un parc national dans l’intérieur des terres bénéficie d’un soutien important, largement majoritaire jusqu’à l’introduction du projet de loi, comme en témoignent les sondages ci-dessous.

Résultats des sondages nationaux sur le projet (question type : êtes-vous favorable ou opposés à la création d’un Parc National dans les Hautes Terres ?). La dernière ligne (Gallup – BILL) montre l’opinion vis-à-vis de la proposition de loi introduite en décembre.

En 2018, Michaël a organisé un sondage national approfondi sur les réactions au projet, distinguant notamment les « usagers » – ceux qui sont déjà allés dans l’intérieur des terres, soit 68% des personnes interrogées – et les autres, ainsi que la classe d’âge, le sexe, l’orientation politique et le lieu de vie. Il s’agissait d’éclairer le profil récréatif des usagers des Hautes Terres, leurs préférences en termes de gestion touristique (limite du nombre de visiteurs, construction de routes, hébergements), et la gestion des espaces protégés (projet de parc national, sources d’opposition et de soutien, etc…). Ses travaux apportent un éclairage très intéressant sur une question qui ne se satisfait de réponses binaires 

Dans ce sondage 63% des personnes interrogées expriment leur soutien au projet, et seulement 10% lui sont opposées[1]. Mais ce qui est surtout éclairant est le profil associé aux réponses. Ainsi, les personnes opposées au projet sont des « usagers » (88% contre 68% pour les personnes favorables), des hommes (65%), âgés (46% ont plus de 60 ans), vivant hors de la capitale (60%) et fréquentant volontiers les Hautes Terres.

A l’inverse les personnes favorables vivent davantage dans les environs de la capitale (75%), sont politiquement plus à gauche (31% contre 11% chez les opposants) et se disent plus concernées par l’environnement (74% contre 55%). Même si 2/3 d’entre elles sont allées sur les Hautes Terres leurs visites revêtent davantage d’un caractère occasionnel (44% y sont allées 1 à 5 fois, contre 30% chez les opposants) et très largement estival (91%, contre 59% chez les opposants).

En termes de pratiques récréatives, 75% des opposants pratiquent les séjours en jeep, contre 50% pour les supporters ; 26% y pratiquent de la moto neige, contre 7% ; et 19% y rassemblent les moutons à l’automne, contre 4%. En revanche, 22% des supporters du parc font de la randonnée sur plusieurs jours ou du voyage sac à dos, contre seulement 7% des opposants.

Les « usagers » sont plus opposés que les autres à la création du parc national (12% d’opposition, contre 4% pour les « non-usagers »), et à son équipement (en particulier la construction de routes – 41% d’opposition comparé à 27%), mais ils sont aussi plus sensibles à la préservation de la végétation, des habitats, des paysages et de la nature sauvage. Ils souhaitent plus de concertation locale et des usagers récréatifs, tout en étant plus réticents sur les « règles de bonne conduite ». On touche ici, selon moi, au cœur de l’opposition au Parc National perçu à tort ou à raison comme une structure réglementée et aseptisée à l’intention des citadins et des touristes, là où pour les « usagers » les Hautes Terres devraient rester illustratives de l’Islande terre d’aventures non formatées.

Éternel dilemme : pour protéger la nature, faut-il la réglementer, voire la mettre sous cloche, ou en réserver la jouissance à quelques privilégiés ?  Avec son projet de loi, le gouvernement, en fait très partagé, tente un compromis. Malheureusement le résultat dépendra moins d’une réponse à cette question que d’étroits calculs politiciens à l’approche d’élections législatives. À suivre.

Ce texte a été écrit avec la très large et très compétente collaboration de Michaël Bishop, que je remercie vivement !


[1] La différence avec les résultats cités plus haut peut venir d’une évolution de l’opinion, mais aussi de la méthode mise en œuvre !

Thor Jensen, « le dernier grand colon »

Le rapport du GRECO (OCDE) évoqué ici le mois passé pointait une certaine lenteur à prendre les mesures nécessaires pour compléter le dispositif destiné à éviter le favoritisme et la corruption à la tête de l’île. Parmi les causes de ces derniers je citais le cousinage forcément présent sur une île peu nombreuse et l’existence de quelques familles très puissantes.

En contrepoint je voudrais ici rapporter la vie extraordinaire d’un homme qualifié à sa mort en 1947 de « dernier grand colon », né non en Norvège comme beaucoup de ses prédécesseurs mais au Danemark en 1863.

Huitième d’une fratrie de douze enfants, Thor Jensen est à la mort de son père, alors qu’il a 8 ans, envoyé en orphelinat. Il en a 14 lorsque son instituteur lui propose de partir travailler chez un Islandais de sa connaissance, commerçant à Borðeyri (fjords du nord-ouest). Et il en a 20 lorsqu’il épouse Margrét Þorbjörg Kristjánsdóttir, 16 ans, venue s’installer dans ce village avec sa mère et son frère. Aucune biographie sérieuse de Thor ne saurait évoquer lui sans elle, leurs 60 ans de mariage et leurs douze enfants dont certain(e)s marqueront à leur tour l’histoire de l’île sous le nom de Thorsararnir.

C’est Margrét qui le dissuade d’émigrer vers l’Amérique du Nord comme nombre d’Islandais et de Danois. Au contraire tous deux partent avec leurs premiers enfants s’installer à Borgarnes où il reprend avec succès la gestion d’un magasin en difficulté, puis à Akranes où il crée sa propre activité commerciale. Le démarrage est prometteur, mais Thor se trouve bientôt acculé à la faillite à la suite du naufrage d’un bateau devant l’approvisionner. Le couple, et ses enfants toujours plus nombreux, s’installent en 1900 à Hafnarfjörður puis à Reykjavík. La réputation de commerçant de Thor est telle qu’il trouve vite des partenaires pour y relancer et développer un commerce vite prospère en liaison avec des armateurs.

Nous sommes au début du 20ème siècle. Les Islandais ont pu se débarrasser du joug danois pour ce qui concerne leur économie. La pêche cesse d’être une activité complémentaire à l’élevage ; elle se modernise avec des bateaux pontés, puis à vapeur. Thor arme avec des partenaires le premier chalutier, évidemment appelé Jón Sigurðsson, puis fonde en 1912 sa propre compagnie Kveldúlfur, à laquelle il associe ses fils. Dès les années 20 elle est la plus grande entreprise islandaise de pêche ; et Thor l’homme le plus riche de l’île. Il est aussi l’un des fondateurs en 1914 de la compagnie Eimskíp.

Korpúlstaðir

Veut-il vraiment être un « grand colon » ?  Il abandonne progressivement à ses fils les rênes de ses entreprises et achète en 1922 Korpúlfsstaðir une grande ferme des environs de Reykjavík avec l’ambition d’industrialiser la production de lait et alimenter la capitale en plein développement. 300 vaches y produiront jusqu’à 800000 litres par an. La ferme est rachetée en 1942 par la ville de Reykjavík, d’abord exploitée comme telle puis, quelques années plus tard, transformée en centre culturel. Par ailleurs il a commencé dès 1913 à rassembler dans le nord du Snæfellsnes les terres qu’aurait selon le Landnámabók colonisé Björn Ketilsson, l’un des premiers grands colons !  Lorsqu’il meurt, le 12 septembre 1947, deux ans après Margrét, toutes ses entreprises s’arrêtent en signe de deuil, soit une bonne partie de l’île.

Ólafur

Des douze enfants de Margrét et Thor, deux ont marqué plus que d’autres le 20ème siècle islandais : Ólafur Thors cinq fois Premier Ministre (Parti de l’Indépendance) entre 1942 et 1963, tout en continuant à gérer les affaires familiales, et Thor Thors, ambassadeur aux États Unis, puis premier représentant de son pays aux Nations Unies. Mais ce ne sont que quelques noms parmi une nombreuse descendance de femmes et d’hommes influents en tous domaines.

L’Islande et l’innocence

L’OCDE le dit : les autorités islandaises ne font pas suffisamment d’efforts pour maitriser la corruption et promouvoir l’intégrité au sommet de l’État. Voici qui surprendra ceux qui, comme l’auteur de ces lignes, ne manquent pas une occasion de vanter l’honnêteté et le respect des règles qui caractériseraient la vie sur leur île favorite. Pourtant les exemples sont nombreux : crise financière de 2008 où le monde découvre que l’habileté de quelques banquiers et leurs amis s’affranchissait allègrement des règles régissant leur activité ; puis ce sont les Panama Papers où s’illustrent le Premier Ministre d’alors, Sigmundur Davíð Gunnlaugsson et bien d’autres de ses concitoyens, le scandale Samherji[1] et les pots de vin versés aux autorités namibiennes pour l’octroi de quotas de pêche au détriment des pêcheurs locaux contraints à l’exil… Et d’autres affaires qui illustrent une compréhension « habile » des règles internationales ou de leur absence. Mais il y a aussi en interne de nombreux cas de complaisance, par exemple dans les nominations aux postes les plus élevés de l’administration, malgré les précautions en vigueur. Enfin, une séparation peu claire des pouvoirs judiciaires et exécutifs peut entraîner des abus de pouvoir, conduisant dans les cas les plus sensibles à la démission de ministres, telle celle de Sigríður Andersen à propos d’une méthode très personnelle pour nommer les juges à la nouvelle cour d’appel.

L’Islande, habituée aux sommets de tous les classements sociétaux et artistiques s’est ainsi trouvée, à sa grande surprise, associée à des états peu recommandables pour être épinglée par divers organismes internationaux publics ou associatifs, telle la Cour Européenne des Droits de l’Homme dans le cas de Sigríður, ou en fâcheuse compagnie sur la liste « grise » du Groupe d’Action Financière répertoriant les pays insuffisamment actifs contre le blanchiment d’argent.

Le gouvernement islandais a engagé immédiatement les actions nécessaires pour sortir au plus vite de la liste grise du GAFI et y est parvenu dès novembre 2020, peut-être parce qu’il y allait des relatons commerciales de l’île. Il est beaucoup moins rapide pour ce qui concerne la corruption et la complaisance dans ses propres sphères, et c’est ce que lui reproche le GRECO (Groupe d’États contre la Corruption) de l’OCDE : sur une liste de 18 recommandations rendues publiques le 12 avril 2018, seules quatre ont été mises en œuvre de manière satisfaisante, sept partiellement, et sept pas du tout, notamment celles concernant les fonctions coercitives telles la police et les garde-côtes.[2]

Innocence perdue ?

Ces quelques pistes de réflexion n’engagent que leur auteur, et d’abord celle-ci :  pourquoi les Islandais devraient-ils être plus innocents que le reste de l’humanité ?  Et l’ont-ils été au cours des siècles ?  Très peu nombreux sur leur grande île, exposés à toutes agressions, humaines ou naturelles, leur vie a été précaire, très dure, pleine de vicissitudes, à laquelle ils ont dû faire face par tous moyens à leur disposition, innocents ou non, appuyés sur une indéfectible solidarité entre eux.

Mais il y a aussi des spécificités :

  • leur faible nombre (100000 en 1926 !) les expose au cousinage, que d’ailleurs ils revendiquent volontiers, donc à passer facilement de la solidarité au favoritisme et à la complaisance plus ou moins intéressée,
  • pour lutter contre la pauvreté et la colonisation, certains se sont avérés de redoutables commerçants notamment à partir du début du XIXème siècle, et il semble que cette culture de l’échange et la spéculation ait ruisselé sur une grande partie de la population, y compris après la crise de 2008, au point qu’il est aujourd’hui très compliqué de savoir à qui appartient l’Islande, même si certains noms et certaines familles apparaissent très souvent : les 5% les plus riches posséderaient 40.1% des richesses de l’île[3],
  • devenus souverains et appelés à négocier avec de grands états, ils ont souvent mis en avant leur faible nombre, et le coût très faible d’éventuelles concessions, pour faire avancer leurs intérêts.

Tout est bon pour valoriser les succès de la communauté islandaise, y compris de fermer les yeux sur ce qui gêne, surtout quand cela vient de l’étranger, cour de justice ou ONG trop curieuse, qui évidemment ne comprennent rien aux spécificités islandaises !

Il n’est pas anodin non plus que pris dans certains des scandales cités plus haut, et bien d’autres, on retrouve souvent des dirigeants ou sympathisants du Parti de l’Indépendance et du Parti du Progrès, soit les deux mouvements politiques les plus anciens de l’île, presque toujours au pouvoir. Et c’est peut-être aussi ce qui explique l’extraordinaire lenteur de la police et de la justice à s’emparer de ces affaires, faute de moyens ou d’envie, et la mauvaise humeur, même diplomatique, du GRECO de l’OCDE…


[1] Voir ma chronique de novembre 2019

[2] À ceux que le fonctionnement de l’état islandais intéresse, je recommande la lecture de ce rapport – 16 pages en français – très illustratif des précautions existant déjà…  et de celles qui manquent

[3] ma source est le ministère des finances, dont le ministre, Bjarni Benediktsson, aussi président du Parti de l’Indépendance, est issu de l’une des familles les plus riches et puissantes de l’île !

Covid encore, puisqu’il le faut !

Ces dernières semaines j’ai voulu rappeler dans mes chroniques comme sur ce blog qu’il y avait une autre actualité que Covid. Mais toujours vindicatif, celui-ci a manifesté son existence jusque chez moi, en trois exemplaires pour l’heure pas trop graves. Alors parlons-en !

Il est vrai que les Islandais étaient inquiets !  Après un premier épisode où ils avaient été remarqués pour leur maîtrise de l’épidémie grâce à un dépistage systématique, et un été très calme, donc favorable aux célébrations, voici que Covid était repassé à l’attaque. A 270, le taux d’incidence (nombre de cas enregistrés au cours des deux dernières semaines pour 100000 habitants), considéré comme supportable quand il est inférieur à 20, dépassait celui d’avril, et les autorités en avaient clairement perdu le contrôle !  Pire : l’Islande se trouvait être le mauvais élève des Pays nordiques. Qui plus est : le nombre de morts, stabilisé à 10 au printemps, passait à 25 à la suite d’une invasion de Covid à l’hôpital de Landakot, spécialisé dans les personnes âgées. Les règles anti-covid furent donc renforcées, avec notamment le port très contesté du masque par les enfants de 6 ans ou plus[1].

Depuis le début de ce mois de novembre, le taux d’incidence revient progressivement à un niveau « normal ». Pourtant la « Triade » met en garde contre tout relâchement à l’approche de fêtes de Noël. Mais évidemment les pressions s’accentuent pour alléger le dispositif existant à l’entrée des touristes….

Soyons précis : ce jour 15 novembre, le taux d’incidence « domestique » est 71.4, selon le calcul islandais. Sur le site des statistiques européennes il est ce même jour de 89.9 certainement car il prend en compte les cas positifs à l’arrivée sur l’île. Il est de 880 pour la France, mais devrait chuter dès que ma famille et moi-même serons immunisés. Alors, enfin, l’hexagone changera à son tour de couleur sur la carte ci-dessous.


[1] Voir le site dédié

La réforme de la constitution islandaise, ou comment venir à bout – peut-être ! – d’un vieux serpent de mer…

La revendication d’une réforme de la constitution naît fin 2008 lors de la Révolution des Casseroles, où les manifestants veulent une refonte des institutions « par le peuple » et non par la « clique » politique en place. Le projet arraché à l’Alþingi à l’automne suivant par le gouvernement de Jóhanna Sigurðardóttir a perdu beaucoup d’ambitions, car bon nombre de parlementaires, même dans la majorité d’alors, voient d’un mauvais œil ce qui de fait est une contestation de leur pouvoir. C’est donc une assemblée de 25 membres élus au suffrage universel et pouvant se réunir deux mois, prolongeables de deux autres mois, qui en est chargée et ses travaux seront le moment venu soumis à référendum. Les 25 élus (10 femmes, 15 hommes), dont très peu ont une formation juridique, se réunissent sans désemparer du début avril au 29 juillet 2011, date de la remise de leurs propositions, votées à l’unanimité, à la Présidente du Parlement. Le communiqué qui accompagne cette remise insiste sur trois principes directeurs : répartition claire des pouvoirs, transparence et responsabilité, sous jacents aux principaux changements proposés :

La Commission Constitutionnelle,
au premier rang Freya, déjà rencontrée dans ce blog : « les combats de Freya » octobre 2019
  • chapitre « droits de l’homme » largement enrichi, notamment pour ce qui concerne l’environnement et les ressources naturelles,
  • répartition plus claire des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire,
  • plus grande participation des citoyens, en développant les possibilités de recours au référendum et en leur donnant le droit de proposer des lois par pétitions,
  • révision du système électoral destinée à réduire le monopole des partis,
  • fin du cumul entre les fonctions de ministre et le mandat parlementaire,
  • révision du mode de nomination des magistrats,
  • consécration du principe de subsidiarité pour les pouvoirs des collectivités territoriales,
  • nécessité d’un référendum pour tout transfert de souveraineté vers un organisme international.

Ce n’est pas rien !  Ce n’est pas non plus « révolutionnaire » ; de l’aveu même des participants, il s’agit d’un toilettage article après article. Pourtant les principaux défauts des institutions régissant l’île depuis 1944 sont touchés du doigt, notamment une séparation des pouvoirs peu claire, des ministres qui gardent leur mandat de députés, ou encore des juges, certes inamovibles, mais nommés par le ministre en charge à la fois de la justice et de la police…

Pendant près de six mois on n’entend parler de rien. Puis en mai 2012 l’Alþingi connaît de ces batailles qu’il semble affectionner. À lui seul le scrutin dure 4 heures. 35 députés se prononcent pour, 15 contre, 13 ne prennent pas part au vote. Conformément à la constitution, le référendum sera indicatif ; il aura lieu le 20 octobre 2012. Les 114 articles, pas toujours très clairs, seront décomposés en 6 questions. Malgré la difficulté de l’exercice, la participation est proche de 50%, et 2/3 des votants disent « oui » aux propositions de la Commission Constitutionnelle. 50%, c’est moins que la participation aux autres élections (de 75 à 80%), mais c’est bien plus que ce qui était prévu compte tenu de la difficulté de l’exercice. On peut donc parler de succès. Même Bjarni Benediktsson, Président du Parti de l’Indépendance et très hostile à la Commission Constitutionnelle, le reconnaît et a le bon goût d’en prendre acte immédiatement : « le peuple veut changer la constitution ».

Katrín : « l’Alþingi doit bien au peuple une réforme de la constitution »

Mais rien ne se passe, sinon quelques soubresauts sans suite, jusqu’à ce que Katrín Jakobsdóttir, lors de la négociation de l’accord de législature, impose à ses deux alliés, dont le parti de l’Indépendance, de reprendre le projet …et décide de le faire ! Elle est soutenue en cela par un mouvement populaire important : selon un récent sondage MMR 59% des sondés jugent nécessaire de revoir la constitution. Et 40000 personnes signent une pétition en ce sens. Qui plus est : les prochaines élections législatives auront lieu dans un an !

On a vu ici (article du 7 juillet 2020) ce qui est prévu pour le Président de la République, plus audacieux au demeurant que ce prévoyait la Commission Constitutionnelle. Deux autres modifications devraient être soumises à l’Alþingi : une règle claire sur l’appropriation publique ou privée des ressources naturelles, et l’introduction dans la constitution de la défense de l’environnement. Où l’on voit que face à des alliés plus que réticents la Première Ministre a choisi d’avancer prudemment…

Car d’autres attentes sont très fortes, notamment la possibilité d’organiser des référendums d’initiative populaire et une réforme du code électoral pour réduire la surreprésentation à l’Alþingi des électeurs vivant en dehors de la capitale et ses environs. Le serpent de mer va-t-il enfin être vaincu ?